Pourquoi l'égalité sexuelle est-elle aussi un projet féministe ?

Dans son numéro « Voyage en Clitorie », le magazine Causette retraçait « l'histoire dérangeante d'un organe dérangeant » : le clitoris. Une lecture qui démontre à quel point le plaisir féminin est négligé et que celui de l'homme domine, encore une fois, la scène.

Dans son numéro « Voyage en Clitorie », le magazine Causette retraçait « l'histoire dérangeante d'un organe dérangeant » : le clitoris. Une lecture qui démontre à quel point le plaisir féminin est négligé et que celui de l'homme domine, encore une fois, la scène.

Pourquoi le clitoris est-il toujours aussi tabou en 2017 ? Pourquoi la masturbation masculine est-elle complètement entrée dans les moeurs alors que la masturbation féminine est un sujet quasiment absent des conversations ? Pourquoi pourrait-on tous dessiner un phallus avec une certaine précision alors que la plupart d'entre nous ne sait pas à quoi ressemble le bouton de rose ? Voilà toutes les questions auxquelles Causette a tenté de répondre et que j’ai résumé dans cet article.

Et d’ailleurs pourquoi dérange-t-il autant ce bouton de rose?

Parce que pendant des décennies, on a considéré (inconsidéré serait plus approprié) le plaisir féminin comme insignifiant et oiseux. Seul le plaisir masculin comptait (compte ?). Alors quand on a découvert le plaisir clitoridien, gros coup dur pour ces messieurs dont le phallus n’était plus désormais qu’accessoire.

En 1559, Colombo Matteo Realdo découvre la fonction du clitoris : le déclencheur du plaisir féminin. C’est dit, c’est posé. Et pourtant, au 18e siècle, la médecine et l’église pensent que l’engin est seulement synonyme de procréation et la masturbation, une méthode contraceptive… Du coup, une femme qui se stimulait seule commettait l’interdit. Et qu’est-ce qu’on faisait pour éviter la masturbation ? L’excision thérapeutique… Plus tard, pour empêcher les femmes d’expérimenter le plaisir sexuel en solo et s’assurer que le sexe féminin n’était qu’un outil procréateur, ce sont les ovaires qu’on leur ablatit. Finalement, les médecins comprennent que le plaisir féminin n’a rien à voir avec la reproduction et décident de mépriser le clitoris en lui réservant un sort bien triste : l’exil. Le terme est tout simplement effacé de certains dicos. Et je vous passe « les théories darwinistes selon lesquelles le clitoris est un organe voué à disparaître avec l’évolution de l’espèce » ou la théorie freudienne qui affirme que « le plaisir clitoridien est infantile et que la pénétration vaginale est la seule forme de sexualité adulte ». À comprendre ? Le vrai plaisir sexuel ne devrait s’atteindre que par l’intermédiaire d’un pénis...

Les marginaux comme le Docteur Alfred Kinsey (Le Comportement sexuel des femmes) ou l’Américaine Shere Hite, qui démontrèrent l’importance du clitoris, étaient considérés comme des « pervers dégénérés ». Cette dernière a d’ailleurs fui l’Amérique après s’être attiré les foudres de la société suite à la publication d’un rapport sur la sexualité féminine en 1976.

Voilà un très bref aperçu des crapuleries infligées à notre clito pendant ces dernières décennies. Et l’on pourrait espérer qu’en 2017, on fait tout pour venger ces affronts. Pour vous donner une idée, aujourd’hui, ce sont 200 millions de femmes excisées dans le monde selon un rapport de l’Unicef publié en 2016… Alors, vous voyez, la réalité n’est pas aussi rose.

Heureusement, il y a des clitoridiens

Causette et bien d’autres professeurs, scientifiques et chercheurs se battent pour éveiller et rendre compte de l’égalité sexuelle dans le monde et surtout dans les écoles. Parce que figurez-vous qu’à ce jour, aucun manuel scolaire d’anatomie ne représente le clitoris correctement. Par contre, je vous le donne en mille, vous savez tous à quoi ressemble l’appareil mâle, n’est-ce pas ?

D’ailleurs, le mouvement Vagina Guerilla soulève un point intéressant. Pourquoi dessine-t-on systématiquement des zizis dans les marges de nos cahiers et pourquoi pas des vulves ? Eux, ils ont décidé d’en dessiner partout et de mettre au défi les gens d’en faire autant. Rétablir l’égalité en dessinant des « teuches ».

Même réflexion dans le monde de l’art. Des clitos sur les statues du Louvre ? Que nenni ! La suprématie du phallus est bien présente. Mais le monde semble enfin se réveiller de cette léthargie et l’on voit de plus en plus d’artistes (comme Sara LorussoRay Ceasar ou Sophia Wallace) prôner le clitoris et en faire une arme d’éducation.

Il y a des personnes comme Odile Fillod, chercheuse indépendante, qui en ont eu assez de voir notre clito absent des manuels ou mal représenté. Du coup, elle a conçu un modèle 3D en taille réelle. Elle est d’avis que « connaître le rôle de son clitoris et son anatomie permet d’améliorer l’accès des femmes à la satisfaction sexuelle, un domaine dans lequel il existe une inégalité entre les sexes qu’on a tendance à négliger ou à naturaliser ».

Pour Alexandre Magot, fondateur du site SVT-égalité, « en insistant sur l’existence du désir féminin, en montrant que les femmes sont aussi actrices de leur sexualité, on met au jour que le plaisir qu’elles éprouvent ne dépend pas uniquement de la pénétration par un sexe masculin. On sort de l’hétéronormativité en évoquant aussi des relations entre femmes. En parlant de clitoris, on sort des stéréotypes de domination, on rétablit l’égalité et on permet aux filles de se réapproprier leurs corps ».

"Until she is free"

Alors, Mesdames, partez à la découverte de votre petit bijou, titillez-le, faites-vous « gamahucher », reprenez votre indépendance sexuelle, éduquez vos partenaires, essayez le « coup du pinceau », prônez votre clitoris et faites donc place au plaisir clitoridien dans vos vies. Et puis surtout, continuez à vous battre pour une égalité sexuelle. « Until she is free » comme dirait Sophia Wallace.

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